Discours de Laurent Soukarié

Chers Amis et confrères

„Nous ne savons pas ce qui nous arrive et c’est précisement ce qui nous arrive“. J.Ortega.
Que nous arrive-t-il ? Qu’arrive -t-il à la France ? Au monde ? Comment naviguer dans un océan d’incertitudes ? Comment comprendre l’histoire que nous vivons ? Comment appréhender le monde qui se transforme de crise en crise ? Comment concevoir l’aventure inouie de notre humanité ? Est-ce une course à la mort ou à la métamorphose ? Serait-ce à la fois l’une et l’autre ?

Depuis Hiroshima et Nagasaki, l’aventure humaine s’est transformée et continue sa transformation vers un avenir inconnu . La science la plus avancée devient productrice de mort pour toute civilisation. La rationalité scientifique revèle une face irrationnelle ; Le progrès de la puissance humaine débouche sur l’impuissance humaine à maîtriser sa propre puissance. Mais tout cela est comme anesthésié dans le somnombulisme général de notre vie“au jour le jour“.

Le dechaînement techno-industriel pour le rendement et le profit, animé à la fois par la frénésie du capital et la volonté de puissance des Etats. Ces forces puissantes dominent les esprits humains qui devraient les dominer. Le danger ne vient pas de robots, mais du risque que les humains deviennent robots.

Le vrai problème de l’humanité n’est pas dans l’augmentation quantitative de ses pouvoirs, mais dans l’amélioration qualitative des conditions de vie et des relations humaines.

L’enjeu essentiel n’est pas de changer la nature humaine, mais d’en inhiber le pire et d’en favoriser le meilleur. Le transhumanisme escamote la nécessité première de régénérer l’humanisme.

L’ultralibéralisme sauvage a produit le déchaînement de la puissance produite par la trinité science-technique-économie, de plus en plus animée par la domination intatiable du profit..“ l’argent, Dieu de notre temps, s’est hissé du rang du moyen au rang de fin“.

Les GAFAM, un vrai danger pour la démocratie, sont devenues de vrais “entreprise-états“, hors de contrôle.

La caisse de résonnance des“fake news“, l’utilisation sans contrôle réél des données privées, l’enfermement dans des réseaux où tout le monde pense pareil..plus la capacité à échapper à l’imposition, voilà les principaux arguments de ceux pour qui le Big Brother d’aujourd’hui s’écrit GAFAM. 

Facebook est devenu le 3éme Etat du monde, le doge I.Musk, avec sa brutalité, décide des régimes politiques des différents pays (activités loin de leur activités d’origine ). L’autocratie en train de remplacer la démocratie... l’hégémonie du chaos à “l’heure des prédateurs“.

Le progrès apporte son lot de régressions et de désastres ; l’excés de puissance a créé un excés d’impuissance. La crise de la démocratie conduit à l’instauration d’Etats néo-autoritaires, hors la loi et/ou dominés par les intérêts financiers.

En se fiant au calcul, on anesthésie sans cesse l’imprévu, lequel ignore le non calculable de nos vies et de nos sentiments (société machine).

La crise contribue à la régression : les mesures de contrôle et de surveillance des populations, officiellement justifiées pour des raisons sanitaires, constituent en même temps les premières échafaudages d’une société de surveillance et de soumission.

Nous croyons posséder les récettes de développement alors que nous sommes possédés par un mythe techno-économique. Nous poursuivons le rêve de maîtrise alors que, comme le disait Michel Serres, il s’agit maintenant de maitriser la maîtrise. Le progrès matériel ne fait pas qu’occulter les catastrophes, il les prépare (réchauffement climatique et crise de l’environnement ).

Nous ne serons jamais maîtres du chagrin et de la mort ,“Puissance sans conscience n’est que ruine de l’âme“… Une démesure insensée a pris possession des possédants. Le progrès techno-scientifique peut être l’instrument des barbaries, la raison de l’humain qui veut dominer la nature et asservir la vie, se met au service de sa folie comme dans la guerre et le génocide, sa technique peut se mettre au service de ses mythologies en armant ses croisades et ses djihads, en édifiant les temples de ses religions et en perpétuant le mythe de la conquête du monde.

La barbarie des bombardements accomplis au nom de la civilisation contre la barbarie est un crime de guerre . Si juste que fut la résistance au nazisme, la guerre du bien comporta du Mal en elle, GAZA, depuis 18mois, fut la plus grande défaite de l’humanité ...“là-bas où le destin de notre siècle saigne“...Le consentement à son écrasement a créé“ une immense béance dans l’ordre moral du monde“.

L’hystérie de guerre multiplie d’elle-même les crimes de guerre,c.à.d.le bombardement des villes ne comportant ni troupes ni installations militaires, la destruction d’immeubles civils-surtout des hôpitaux et des écoles, les tirs sur les civils, les cruautés infligées aux prisonniers et aux blessés,les exécutions d’otages.

Le déchainement de la haine, qui transforme l’ennemi en criminel et prône la responsabilité
collective… celle de l’ensemble du peuple ennemi, jugé coupable des crimes de ses dirigeants ; la haine même de la culture des peuples ennemis ( Tchaikovsky, Dostoievski,Tolstoi..).

Chers amis

La planète est en détresse : la crise affecte l’humanité entière, entraîne partout des ruptures, fait craquer les articulations, rallume les guerres, détermine les replis particularistes ; La vision globale et le sens de l’intérêt général sont ignorés.

La politique de civilisation vise à ré-humaniser et à ré-convivialiser nos existences . Elle vise à développer l’autonomie individuelle, la responsabilité, la liberté, et à lutter contre l’égoisme .Elle serait une politique de la reconnaissance de la pleine humanité d’autrui .La race biologique n’xiste pas, mais la race produite par le racisme, elle, existe socialement. Ce qui existait, ce ne sont pas les races mais un fait de domination, puis un discours qui naturalise cette domination.

Les références à la race relancées actuellement par les élites, notamment politiques,médias à leur service, s’appuient sur une“infrapensée“ raciste ( l’héritage d’une histoire coloniale et impériale ) qui porte mal à la Républiqu.

La prétendue“ supérieure“ aux autres conduit à la barbarie .
Le nationalisme déshumanise l’ennemi en temps de guerre et sous-humanise l’étranger en temps de paix.

Le patriotisme et l’humanisme, qui comportent le souci du destin de l’espèce, sont
complémentaires et louables. La fermeture identitaire, le rejet des immigrés, l’anti-arabisme
devenant anti-islamisme...ces fortes inquiètudes favorisent le repli identitaire, revitalisent les racismes qui se prennent pour des racines, et réveillent un suprématisme dormant hérité de l’ère coloniale.

Le seuil de tolérance est devenu seuil d’intolérance de la France réactionnaire actuelle ( ni
démographique, ni économique, mais surtout “psychologique“ : il est franchi chez le c-newsiste qui, crâne bourré, ne peut supporter la vue d’une boucherie Halal, qui ne peut tolérer les visages basanés…Nous baignions dans les eaux profondes de l’inégalité, en aucun cas dans celles de l’égalité républicaine...un néo-républicanisme d’exclusion instrumentalise l’islamophobie comme moyen de contrôle social.

Oui, La France humaniste est en crise multiple, dominée par une crise de la pensée . Nous ne pourrons éliminer le malheur ni la mort, mais nous pouvons aspirer à un progrès dans les relations entre humains, individus, groupes, ethnies, nations . Le renoncement au meilleur des mondes n’est nullement le renoncement à un monde meilleur.

La diversité humaine ( comme à l’AFMP) est le trésor de l’unité humaine, laquelle est le trésor de la diversité humaine . De même qu’il faut établir une communication vivante et permanente entre les singularités culturelles, ethniques, nationales et l’Univers concret d’une Terre-patrie de tous.

L’AFMP, est un désir, une volonté de l’esprit et du coeur, elle exprime une résistance à toute
discrimination, est une association de la fraternité humaine.

Assurer un développement humain. Civiliser la Terre. Malheureusement,...nous constatons la puissance des forces régressives et la continuation de la course vers l’abîme.

Réveillons-nous... L’espérance est dans l’improbable.

BOLOGNE Le 24 Avril 2025
L.Soukarié